lundi 23 mai 2011

Au cœur de l'école publique

Laurence Boué, présidente de la FCPE 33, se bat contre les coups portés au service public de l'éducation, sujet de la Nuit des écoles, ce soir.

Le 29 avril, mairie d'Ambarès. Ségolène Royal est venue soutenir les parents d'élèves de la maternelle du bourg qui se battent pour sauver une classe. Devant une ancienne candidate à la présidentielle, deux députées, un maire et plusieurs élus, Laurence Boué prend la parole et en quelques minutes, brosse la situation locale, élargit aux statistiques départementales, résume les enjeux nationaux avec humour, mais aussi avec gravité devant le péril : applaudissements nourris des cadors surpris par le personnage.
« Je ne calcule pas, je suis comme ça. » Une énergie communicative, une faconde simple et fraternelle sans jamais se perdre dans un rôle. Trop terrienne pour être une diva, trop réfléchie pour risquer de flirter une seconde avec un quelconque populisme.

Veillée citoyenne au Rocher
Le concept est né à l'initiative de la communauté éducative en 2009 à l'occasion de la réforme Darcos sur l'enseignement primaire. La Nuit des écoles a lieu ce soir et la FCPE la coordonne cette année à l'échelle nationale sur le thème de « la destruction des services de l'Education nationale. » Plus spécifiquement visée, la suppression en 2011 de 16 000 postes au budget (http://petition.fcpe.asso.fr/).
En Gironde, la FCPE appelle parents, élus et enseignants à organiser dans leurs écoles respectives un temps de débat à la fin de la classe, aux alentours de 17 heures. Un grand rassemblement est ensuite prévu à partir de 19 heures sur le site du Rocher de Palmer à Cenon. « C'est un moment pour se retrouver dans une ambiance plus détendue, mais il est possible que les débats reprennent », explique Laurence Boué. « Nous allons essayer d'établir des connexions en direct avec des écoles excentrées du département. » Le 24 mars 2009 à Bordeaux, un millier de personnes s'étaient retrouvées sur le pont de pierre.

Présidente en quatre ans
La fille d'instituteurs est née il y a quarante ans près de Sauveterre-de-Guyenne, Entre-deux-Mers où elle habite toujours, dans la commune de Blasimon. Elle adhère à la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) en 2004, quand sa fille Valentine entre en maternelle sur le regroupement pédagogique intercommunal (RPI).
Création du conseil local dans la foulée, entrée au conseil départemental l'année suivante, au bureau l'année d'après : en quatre ans, Laurence Boué prend les rênes de la fédération girondine, et siège au bureau national. Ambitieuse ? « Je suis une militante, j'ai une nature à m'investir dans le collectif et les responsabilités », répond-elle. « Elle a une capacité assez impressionnante à motiver les autres », explique Florence Bergamo, la vice-présidente du mouvement.
Laurence Boué est médiatrice en réussite scolaire au collège de Sauveterre, mère de deux filles de 8 et 9 ans, elle assume sa sensibilité de gauche, sans carte de parti. Mercredi soir, elle était devant la mairie de Bordeaux pour réclamer le retour d'Issoufou Amadou Marou, l'étudiant de Talence expulsé au Niger il y a quelques semaines. « J'ai le sentiment très angoissant aujourd'hui que nous défendons les piliers d'une société qui est mise à mal de toutes parts, explique-t-elle. Il y a une volonté politique d'instaurer l'inégalité. »
Et d'égrener une nouvelle fois les chiffres : 42 fermetures de classe prévues à la rentrée prochaine en Gironde, une vingtaine en suspens et 62 000 postes supprimés dans l'enseignement depuis quatre ans. « Et quand des parents dans leur commune, crient "victoire" parce qu'ils ont réussi à sauver leur classe, il n'y a souvent pas de quoi se réjouir, prévient-elle. C'est une autre qui fermera ailleurs. »
Elle n'a pas la dent dure que contre le ministère, et en bonne fille d'enseignants, elle chahute volontiers la corporation. « Notre identité de parents est trop souvent encore niée, dit-elle. On n'est pas que ceux qui font les crêpes à la fête parce qu'il n'y a plus assez de sous à l'école ! Le plus grave peut-être : on a l'impression que les enseignants ont intégré la précarité du système. » Mais elle n'oublie pas l'autocritique : « Nous sommes la dernière génération de parents ayant connu l'école qui marchait à peu près. On a alors psychologiquement parfois du mal à remettre en cause l'institution. »
Cuisine et Renaud
« Elle entre toujours dans les sujets avec une pointe d'humour », explique André Mercier, l'inspecteur d'académie qui a régulièrement l'occasion de ferrailler avec elle. « C'est parfois agréable, parfois moins… » Laïcité et féminisme complètent le profil. « La FCPE reflète bien le pays : beaucoup de femmes à la base, beaucoup d'hommes au sommet ! » Quand les filles seront grandes, que la fédération ne lui prendra plus la moitié de chaque semaine, Laurence Boué ouvrira « un resto sympa », aura plus de temps pour écouter Renaud. Une de ses chansons préférées : « C'est quand qu'on va où ? »

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